17/05/2022 (corrigé le 23/10/23)
Vincent DEVAUX
Pourquoi être social-démocrate aujourd’hui ? Qu’est-ce qu’agir au sein d’un parti tel, au nom du socialisme. Ce court texte, sans prétention académique, vise à poser ma vision personnelle de l’action socialiste.
Il faut aujourd’hui, après la faillite du « socialisme réel », revoir ce que l’on entend par socialisme. Le socialisme ne peut se confondre avec la seule vision d’un État abouti (que ce soit avec « un petit é » ou « un grand É »). Le socialisme, ce n’est pas une succession de plans quinquennaux qui s’imposent à une économie largement étatisée. Ce n’est pas avant-tout une superstructure étatique qui s’imposerait telle aux humains, de façon instrumentale. Voir la chose ainsi serait répéter la volonté d’en revenir aux totalitarismes telle que l’on les a connus au XXe S.
La thèse majeure que je défends, est que le socialisme, soit l’action socialiste, est la conjonction, la convergence, l’interdépendance consubstantielle et réciproque de trois composantes mises en mouvement d’un seul geste.
Je vais donc commencer par les expliciter brièvement avant que de montrer en quoi ils sont mis en mouvements :
La première composante est un ensemble de valeurs. Ainsi ce que l’on retrouve au sein des Droits Humains ; citons principalement la liberté, l’égalité, la dignité, la sûreté de sa personne. Ce sont les droits en tant qu’ils expriment la nature profonde de l’homme qui se doit de pouvoir s’exprimer, se réaliser. C’est donc une composante anthropologique. La social-démocratie se donne pour objectif de voir progresser ces valeurs, ces droits humains qu’ils soient de 1ière, de 2ème voir de 3ème génération (bref, respectivement : droits-libertés, droits sociaux et droits environnementaux). Qui dit valeur dit aussi traduction politique de ces valeurs : l’équité, les capabilités, la justice sociale, ... Je reprendrais les mots de Jaurès clamant que le socialisme débusque dans la société les iniquités en les combattant.
La deuxième composante se trouve être les personnes concrètes à qui sont attribuées ces valeurs, ces droits. Ces valeurs doivent être réalisées au bénéfice d’individus, des destinataires préférentiels. Et donc la deuxième chose qui compte pour fonder le socialisme, c’est la prise en compte de situations existentielles. Alors qui sont ces personnes ? Majoritairement, et en gros, les précaires, les personnes à la marge, les fragiles de ce monde, les classes populaires…. Les fragiles en fonction de tel ou tel contexte, « en situation » dirait Sartre. C’est d’abord pour et avec eux que le socialisme à quelque chose à dire et à faire. Il est question pour l’action socialiste d’opérer un choix préférentiel. Ce qui amène au délicat arbitrage dans l’allocation des diverses ressources. Si une action renforce la classe moyenne au détriment des classes populaires, c’est un problème. Il faut veiller à ce que ce ne soit pas le cas.
Aussi, la social-démocratie à ceci de particulier que ses membres les plus actifs, sont très majoritairement loin d’être précaires. Ils doivent se donner pour tâche non pas de promouvoir la couche socio-économique à laquelle ils appartiennent, mais la couche des plus mal lotis de ce monde, des « perdants » de ce monde, du libéralisme.
J’aborde la troisième composante. Il s’agit de la qualité des institutions. Pour un socialiste, celles-ci devraient être les moins injustes, les plus désaliénantes, les plus socialisées possible. Quand je parle d’institutions, je vise celles-ci, au sein d’une société, de façon élargie. Il s’agit bien sûr des institutions étatiques, mais aussi des institutions de la sociétés civile, des institutions économiques, (on pensera à l’Economie Sociale et Solidaire) et bien sûr des structures politiques (plus de démocratie participative).
Chacune de ces trois composantes sont pour moi indispensables. Elles doivent être prises en compte ensemble, corrélativement et dans leurs interactions lorsqu’il est question d’une action politique particulière. J’entends donc par action politique la production d’actes, la création d’évènements (au sens philosophique du terme) qui induit en même temps une amélioration, un progrès de ces trois pôles, de ces trois composantes : promotion de valeurs, amélioration existentielle des individus et transformation des institutions.
Ceci m’amène à une sorte de mise en garde.
- On ne peut agir en vue d’un système institutionnel socialisé au dépend de la situation des individus, sinon on fait de ceux-ci des moyens en vue d’une fin. On les utilise, on les instrumentalise.
- On ne peut non plus se suffire de résoudre les problèmes du quotidien des précaires, sinon on se contente de faire du social. C’est très bien de faire du social, mais cela ne fonde pas une politique, cela ne résout pas les problèmes à la racine. Cela maintient les causes de la précarité.
- On ne peut non plus promouvoir seulement les droits humains. L’action socialiste doit identifier pour chaque action les plus précaires, les plus fragiles afin que leur situation s’améliore. Il y a quelque chose de l’ordre de la priorisation.
Donc la prise en compte d’une composante sans entrevoir les autres ne peut produire d’action socialiste.
Que doit faire la social-démocratie avec des trois pôles que je viens d’énoncer ?
Qui dit action socialiste, dit bien mouvement, transformation au sein du monde. Le socialisme d’abord est un « cri » dans le monde et il se veut agir dans le monde, en vue de produire des évènements, un maximum d’évènements, une foultitude d’évènements. Chacun de ces évènements doit permettre une progression dans la réalisation des trois composantes que j’ai présenté : une meilleure situation existentielle des précaires, élargissant les droits humains et socialisant les structures. Un événement est donc la transformation du monde par tel acte politique qui nécessite la prise en compte des trois composantes au sein de celui-ci. La social-démocratie doit saturer la société d’évènements de ce type. Concrètement, produire cela au sein de la société civile, dans nos quartiers, dans les institutions d’Etats,..Il y a donc un idéal de progression vers une société dite plus socialiste, une société qui voit la situation des plus précaires s’améliorer, des valeurs se disperser et des structures se socialiser.
Pour moi l’action socialiste est dans ce registre. Elle n’est pas « ambitieuse » en ce sens qu’elle n’est pas spectaculaire, mais elle répond à des nécessités.
V.D.